La question de la dette publique s’est imposée en Europe depuis la « faillite » de la Grèce. Que peut-on dire à notre niveau ?
Les interprétations de la crise parlent en général d’étranges et lointains mécanismes financiers ; d’ineffables intentions d’opérateurs obscurs qu’il faudrait rassurer. Ils placent ainsi les problèmes dans un terrain sur lequel nul d’entre nous n’a prise. L’analyse de Pierre Larrouturrou a le mérite de placer les choses dans un terrain sur lequel on peut se battre.
Actuellement lorsqu’on parle de la Sécurité sociale, lorsqu’on parle « sérieusement » de la Sécurité sociale, on débat de son financement. Cette question est importante bien sûr, nous y reviendrons, mais dans un même temps, ne faut-il pas sortir du discours hystérique : « il n’y a pas d’argent, la Sécurité sociale nous coûte trop cher ». Imaginons quelqu’un qui, confronté à des difficultés économiques, agisse sans prendre le temps de réfléchir et vende son outil de travail. Voilà peut-être l’image adéquate. On peut le dire parce que la Sécurité sociale est bien un outil de travail, un des rares outils institutionnels qui maintient une société. La sécu n’est pas à vendre.
La préhistoire de la Sécurité sociale, les diverses problématiques qui pendant un siècle se sont entremêlées pour donner lieu à la Sécurité sociale, telle qu’elle sera fondée en 1944, sont loin d’être anecdotiques. La Sécurité sociale n’est pas le fruit d’un progrès de l’Histoire, mais de la rencontre conflictuelle et toujours mouvante, d’un grand nombre d’enjeux. Aujourd’hui la Sécurité sociale est en train de changer de paradigme. Elle est en train de passer de l’idée de la création d’une propriété collective par socialisation d’une partie du salaire, à celle de l’assurance individuelle doublée d’un minimum de survie, accordé sous conditions de projets et autres contrats d’insertion1. Or, pour comprendre les enjeux de ce changement profond, pour agir aujourd’hui sur cette question, il est intéressant de regarder en détail la période pré-institutionnelle de la Sécurité sociale.