À suivre Jacques Rancière et son observation des lignes de partage du monde, là où le peuple resterait habituellement minoré dans le souvenir historique se révélerait un excès de mots rendant son discours inaudible. Un bruit dont il cherchera à libérer la parole populaire en s’acheminant vers l’esquisse d’une histoire hérétique. Cette proposition cependant, les principaux traits ne s’en dessinent qu’en filigrane d’une critique des pratiques historiennes ; elle demeure dès lors difficilement saisissable sans mobiliser une pensée que le philosophe a dépliée au départ de traces du passé gommées par une historiographie soucieuse de dévoiler leur signification véritable. D’une démarche investiguant l’historicité des anonymes à la postérité en tant qu’ils sont les protagonistes de leur temps, comment ne pas retenir davantage que l’intonation de leur voix, sa tessiture ? En quoi l’œuvre ranciérienne plaide-t-elle pour une historisation de leur point de vue et quelles perspectives ouvre-t-elle pour en investir la profondeur ?
Libraire, éditeur, écrivain ou encore traducteur, François Maspero a exprimé à travers son activisme littéraire une empathie pour l’exil s’affirmant dans la condamnation de la dictature espagnole. Un soutien à l’opposition anti-franquiste prolongé par une stimulation patrimoniale comme tenants d’une indéfectible mobilisation.
L’action d’émancipation de jeunes italiens issus de l’immigration telle que menée par le CASI-UO dès le début des années 70 s’est axée pour partie sur un travail autour de la mémoire qui est vite muée en une arme politique à partir de laquelle ils pourront avoir une prise sur l’histoire et influer sur leur vie.
Remettant en question les représentations sur la place du phénomène migratoire dans la société belge, notamment au travers de la pratique du théâtre et du chant, cette action contribua à une patrimonialisation débordant bientôt la communauté italienne pour aller jusqu’à imprégner la célébration du devenir national.
Des souvenirs aujourd’hui conservés par Teresa Butera, une ancienne de l’UO devenue militante au CASI avant d’en assurer la direction, aux témoignages laissés au fil du temps par les fondateurs de l’association, de quelle manière le passé apparaît-il avoir été mobilisé aux fins de lutter contre les exclusions affectant les immigrés ?
L’histoire populaire telle qu’elle s’écrit désormais ne manque jamais de se réclamer d’Howard Zinn. Et de fait, le zèle avec lequel il s’est employé à rendre au peuple une place centrale dans le déroulé des événements marquants des États-Unis a laissé une empreinte incontournable. Zoom sur les coulisses d’une œuvre devenue paradigmatique.
La Belgique a connu trois opérations de régularisation massive du séjour d’étrangers demeurant sur son territoire sans autorisation légale, des campagnes à chaque fois décidées par le gouvernement en réponse à une mobilisation collective entraînée par, avec et pour les sans-papiers. Saisir en quoi elles font date dans la durée d’un combat mêlant ruptures et constantes permet de mieux comprendre le retentissement d’une actualité qui reste en attente d’un rebondissement concluant. Mais revenir sur l’enchaînement des événements ayant rythmé cette lutte par des avancées, stagnations et replis met surtout en évidence, quelles que soient les victoires ou les défaites des sans-papiers, leur capacité d’agir. Une lecture historique engagée non pas tant par ce qu’elle pointe les efforts déployés par les sans-papiers face aux difficultés auxquelles ils restent confrontés que pour ce qu’elle s’appuie sur ce qu’en tant que premiers concernés ils persévèrent à investir les conditions de possibilité de leur émancipation individuelle et collective.
La pandémie de Covid-19 a d’emblée donné lieu à de nombreuses rumeurs. Quelle qu’en soit la teneur, leur déploiement reproduit un processus en substance fort ancien qui se trouve avoir été sondé en son temps dans sa déclinaison des fausses nouvelles. Toute ressemblance avec des situations ayant existé dans le passé serait-elle vraiment fortuite ?
En l’absence de régularisation, des membres du Collectif des Afghans Sans-Papiers sont régulièrement confrontés à un problème de logement. Répondre à ce besoin essentiel reste pour eux un souci permanent et dans leur recherche de stabilité les ressources mobilisées ont conduit à un déploiement nouveau pour leur organisation.
Mobilisé depuis 2013 par l’impératif de la protection internationale en Belgique, le Collectif des Afghans Sans-Papiers reste en recherche de dialogue avec les autorités du pays pour faire entendre sa cause. Si ses revendications et son répertoire d’actions ont évolué en s’affinant avec le temps, son histoire reste attachée à l’exigence élémentaire de dignité.
À l’occasion de la concertation animée par le CFS asbl et Ensemble Pour 1060 asbl par rapport à la réforme du décret de 2004 relatif à la Cohésion sociale dans la Région de Bruxelles-Capitale, des acteurs associatifs de Saint-Gilles ont souhaité mener une réflexion de fond sur les évolutions du travail social en dehors de toute attente politique. Témoignage de la promptitude à la mobilisation dans le champ du social, cette initiative serait-elle plus particulièrement susceptible d’instiller quelque renouveau à la vie associative ?
S’il est d’usage pour un chercheur de situer son analyse par rapport à son implication dans sa recherche, l’affirmation de sa militance ne va pas pour autant de soi. Effet d’une rigueur scientifique, la difficulté à se départir d’une certaine impartialité trouverait-elle quelque issue dans la pratique de l’histoire sauvage ?