Néolibéralisme et management se renforcent l’un l’autre. Le management tire son efficacité d’un jeu sur la perception, par l’imposition de représentations « de sens commun ». Le néolibéralisme a une capacité à justifier ces représentations au travers de concepts théoriques. En retour, les concepts du néolibéralisme prennent corps grâce au management. Pour sortir de cette spirale, il faut produire des expériences singulières dont la complexité ne puisse pas être transformée en représentation.
Découvrez cette analyse en version papier dans le numéro 2-2017 de la Revue nouvelle : "Néolibéralisme(s)" Vers le site de la Revue nouvelle
La question de départ était la disparition de la figure du patron ; une question plutôt simple pour une fois. Parfois on est un peu surpris par des questions que l’on nous adresse. Que dire d’autre que : « si c’est vrai, bon débarras ! », même s’il ne s’agit que de la figure de patron ? Or il semblerait que cette disparition ne soit pas une fête. Faudrait-il aller rechercher des patrons ? L’amour est une chose complexe, mais tout de même… aller se chercher des patrons…
D’une certaine façon les chefs ont toujours un discours sur l’avenir, même lorsque leur pouvoir est très limité.
Dans les années 70, l’anthropologue Pierre Clastres, étudiait le rôle des chefs dans certaines tribus amérindiennes où : « ceux que l’on nomme les leaders sont démunis de tout pouvoir, la chefferie s’institue à l’extérieur de l’exercice du pouvoir politique ». Le discours du chef dans ces sociétés, qui est en quelque sorte le discours minimal du chef, est celui-ci : « nos aïeux se trouvèrent bien de vivre comme ils vivaient ; suivons leur exemple et, de cette manière, nous mènerons ensemble une existence paisible ».
Le Masterplan 2008-2012-2016 élaboré par l’administration pénitentiaire prévoit la construction de nouvelles prisons. Il comporte notamment un projet de prison dans une section à l’extrême nord de la ville de Bruxelles : Haren. Dans le cahier de charges rédigé pour lancer l’appel d’offres en vue de la construction de cette nouvelle prison, une récurrence mérite que l’on s’y attarde : il est demandé aux promoteurs de concevoir une prison qui favorise l’autonomie des futurs prisonniers. Il ne s’agit pas ici d’affirmer que ce cahier de charges est une révolution, mais plus simplement de repérer, dans la manière de concevoir cet objectif d’autonomisation des prisonniers, une problématique beaucoup plus large, traversant l’ensemble de la société et omniprésente dans le secteur social. L’autonomie en prison, et plus largement dans ce que Erving Goffman appelle les institutions totalitaires, n’est pas une question nouvelle, mais elle n’était cependant pas un objectif en soi. Il est important d’analyser la manière dont cette question s’est posée pour comprendre et évaluer les enjeux qui sous-tendent cette exigence aujourd’hui.
Nous avons proposé une généalogie de l’État social actif, avec les problématiques qu’il impose, et les déplacements qu’il opère. La proposition maintenant, complémentaire de la précédente, est de tenter de le cerner par sa logique d’action...
Il y a quatre ans, voici comment Robert Castel abordait la problématique de l’État social actif : « Il résulte que la gouvernance de cette société devrait consister dans le renforcement de l’individu, dans l’accroissement de ses capacités pour qu’il soit apte à affronter la dure loi du nouveau régime du capitalisme dominé par la concurrence, et le faire à partir de la maximisation de son propre potentiel, ou capital humain. Sur ces bases s’opère une recomposition des politiques sociales et des interventions de l’État social, « l’État social actif », dans le sens de l’activation de l’individu ».
Les statistiques sont omniprésentes dans notre quotidien à tous : que ce soit sur notre santé, notre travail, notre éducation, mais aussi nos loisirs ou notre politique. Pour faire une campagne électorale, on va, bien entendu, faire des sondages ; pour vendre un nouveau produit, une étude de marché...
Dans le cahier des charges de la future prison de Haren, un concept récurrent attire l’œil du lecteur : l’autonomie. Que cette dernière soit inscrite dans la conception de cette prison contemporaine peut relever de l’évidence puisqu’elle est la consigne centrale de toute la politique sociale contemporaine...
Est-ce que le management existe ? Si oui, comment existe-t-il ? Ses effets sont bien réels, mais le management en lui-même paraît insaisissable. Car, lorsqu’on veut le définir, voire le combattre, on n’a affaire qu’a une multiplicité de procédures, de contrôles, et de dispositifs en tout genre...
Méconnaître le contenu des textes théoriques du néolibéralisme peut être profondément handicapant pour ceux qui s’intéressent à la question sociale. Faute de repérer et comprendre comment il est pensé par ses partisans, le néolibéralisme apparaît comme une vague insaisissable, ou plus grave, comme un mouvement naturel...