Cette analyse consacrée à l’associatif légitimiste* turc constitue le second volet d’un diptyque consacré au mouvement associatif turc à Bruxelles, de ses origines à la création de la Région bruxelloise. Cette seconde analyse vise à mettre en évidence la manière dont l’Etat turc et ses instances diplomatiques et consulaires ont contribué, au cours des années 70 et 80, à la constitution d’un réseau associatif à forte assise religieuse, dans le cadre de leur politique d’encadrement et de contrôle de leurs ressortissants sur le territoire belge.
Cette analyse consacrée à l’associatif progressiste* turc constitue le premier volet d’un diptyque consacré au mouvement associatif turc à Bruxelles, de ses origines à la création de la Région bruxelloise (1989). Cette première analyse vise à mettre en évidence la genèse et l’évolution d’un associatif immigrant qui, à travers son ancrage précoce dans les réseaux du mouvement ouvrier belge et ses philosophies d’action, est devenu au fil du temps une composante à part entière du tissu associatif bruxellois et des dispositifs d’éducation permanente et d’insertion socioprofessionnelle.
La scolarité des enfants d’origine étrangère demeure plus que jamais un sujet politique sensible et un enjeu social majeur. Si elle a fortement évolué avec le temps, cette scolarité reste néanmoins encore marquée par une moindre réussite comparativement à l’ensemble de la population belge, comme en attestent des taux de retard et/ou d’échec scolaire plus élevés et une orientation préférentielle dans les filières de relégation de l’enseignement secondaire. Dès le début des années septante, dans la foulée de mai 68, partant du constat que les enfants des travailleurs migrants réussissaient moins bien leur scolarité que les nationaux, une poignée de pionniers, issus des mouvements de gauche, d’organisations immigrées et/ou du pilier chrétien, ont voulu répondre aux carences d’un système scolaire qu’ils percevaient, non sans raison, comme un appareil reproducteur des inégalités sociales.
Bien que l’immigration marocaine ait été, à l’origine, une immigration essentiellement masculine, elle débouche assez tôt sur un ancrage familial, encouragé en cela par la politique à vocation populationniste menée par l’Etat belge au cours des années 60. Cette promotion du regroupement familial fait de ce processus migratoire, ouvert par les besoins en main-d’œuvre de l’économie, un espace de vie en famille . Dès 1970, la population marocaine de Belgique (39.294 ressortissants) est composée à 38% de femmes. Sept ans plus tard, cette population féminine (36.546 sur 80.988 ressortissants marocains) atteint les 45%. Confrontées dans leur pays d’immigration à une triple discrimination de nationalité, de genre et de classe, un groupe de femmes marocaines établies à Bruxelles se crée, entre 1977 et 1986, au sein de l’Association des Femmes Marocaines (AFM), une association de fait qui constitue un espace d’échange, d’entraide et de lutte en faveur de l’amélioration du statut social, économique et juridique de la femme marocaine, tant en Belgique qu’au Maroc.
L’histoire sociale de l’immigration marocaine en Belgique est intimement liée à celle de l’immigration de travail des années 60 et 70. Suivant un recensement spécial de 1967, la Belgique compte, dès cette époque, quelque 13.301 ouvriers marocains (dont 406 femmes), occupés pour la plupart dans les industries métallurgiques, manufacturières, minières et de la construction. Ils atteignent 14.555 unités (dont 1.100 femmes) en 1970 et 16.963 unités (dont 1.910 femmes) en 1977. Cette évolution appelle inévitablement à s’interroger sur les rapports que le mon de du travail belge, et plus particulièrement les deux principales organisations syndicales du pays, la Confédération des Syndicats Chrétiens (CSC) et la Fédération Générale du Travail de Belgique (FGTB), a noué avec la main-d’œuvre étrangère.
Avec le retour en février 1967 à une application stricte de l’arrêté royal du 31 mars 1936, les autorités belges ne régularisent plus que dans des cas exceptionnels la situation des travailleurs extracommunautaires entrés en Belgique sans être munis au préalable d’un permis de travail. Poursuivie durant la période de haute conjoncture 1968-1971 par Louis Major, un ministre de l’Emploi et du Travail particulièrement rétif à l’immigration de main-d’œuvre, cette politique débouche inévitablement sur le développement d’une main-d’œuvre clandestine, entrée sur le territoire au bénéfice d’une exemption du visa d’entrée touristique et embauchée sur place par des employeurs peu ou pas regardants. Elle laisse à son successeur, Ernest Glinne, peu suspect de sentiment anti-immigré, la lourde tâche de résoudre un problème devenu pratiquement inextricable.